Formation Travail et Emploi

A) Une distinction fondamentale

Deux champs de recherche...

...parce que deux objets d'études

Back to basics

→ Travail : une activité productive, qui à obtenir/réaliser/fabriquer des choses utiles

→ Emploi : un travail rémunéré...

→ Emploi : un travail rémunéré... mais surtout inscrit dans une division du travail et des rapports sociaux spécifiques

implique donc un statut d'emploi

Emploi : contenant

Travail : contenu

Back to basics

Un même travail...

→ Travail : une activité productive, qui à obtenir/réaliser/fabriquer des choses utiles

→ Emploi : un travail rémunéré...

→ Emploi : un travail rémunéré... mais surtout inscrit dans une division du travail et des rapports sociaux spécifiques

...des statuts d'emplois différents

Deux champs de recherchce différents

→ Sociologie du travail : description et analyse des situations de travail

Ex : la sociologie des professions interactoinnistes

→ Sociologie de l'emploi : analyse des marchés du travail (en tant que marchés concrets)

Ex : construction et effet du statut salarial

B) Le travail comme rapport social

Une forme particulière de travail : "le" travail

Statut particulier d'une forme de travail et d'emploi dans les sociétés contemporaines

Un "rapport social"

Un "principe organisateur de nos sociétés"

Quelques pas de côtés...

→ le travail comme fondement de l'ordre politique/social

vs.

→ le travail comme source de prospérité, de valeur

→ Autonomisation du travail ; travail/hors-travail

vs.

Une définition du travail contemporain

« D'un point de vue sociologique, on peut définir le travail comme un rapport social. Pour être pus précis, la notion de travail fait sens à partir du moment où les hommes tentent de rationaliser le monde sur une large échelle et de tirer de son exploitation des richesses et des profits toujours croissants »

→ Pratique à la fois autonome...

→ ...et encadrée

→ Profondément lié au capitalisme

→ Profondément lié au capitalisme, notamment dans l'orientation vers le profit

C) Travail, emploi et intégration

Le travail est généralement présenté comme le "grand intégrateur" (Barel, 1990).

→ Mais qu'est-ce qui intègre : le travail ou l'emploi ?

Exemple du travail des caissières

← Texte de 1998, mais dont les résultats sont confirmés par les recherches récentes (par ex : Benquet, 2015 →)

Rapport au travail, rapport à l'emploi

→ Un rapport au travail particulièrement difficile

« Le monsieur a dit à sa petite fille, mais tout fort pour que j'entende : "si tu ne travailles pas bien à l'école, tu finiras comme elle". Là, j'ai craqué, je suis partie en pleurant, on m'a remplacé »

« C'est horrible. C'est abominable comme travail, d'exécuter cette tâche répétitive de la caisse. Je crois qu'il n'y a pas assez de mots pour qualifier ça. Les clients et les patrons ne m'écoutent pas. [...]A quoi on sert en fin de compte ! A prendre les sous aux gens ! »

→ Un rapport à l'emploi positif

« je plains ceux qui sont depuis des années au chômage, ou qui ne travaillent pas. C'est affreux. On devient idiote hein ! On ne voit plus personne. On ne fait plus rien. On est inutile en fait. Heureusement que j'ai trouvé du travail ».

Si ces femmes désirent, pour un temps limité, relâcher la pression du travail, elles ne souhaitent en aucun cas renoncer à l’exercice de leur emploi de caissières.

Ce qui intègre, c'est l'emploi...

(dans le cas des caissières...)

→ Stratégies de maintien dans l'emploi, y compris par la docilité...

Distinction entre le travail et l'emploi → permet ici de comprendre l'attachement des caissières à des positions pourtant difficiles, mais aussi la faible conflictualité dans le monde de la grande distribution

A) La problématique (post-)taylorienne

→ Les représentations dominantes du travail s'articulent toujours autour des images tayloriennes

Contre la réprésentation d'une évolution linéaire

Vision linéaire :

Taylorisme → Fordisme → Toyotisme → Etc.

→ Co-existence des formes tayloriennes et post-tayloriennes

Pas une forme/modèle unique

Ce sont des idaux-types

1. Maintien du taylorisme et extension à de nouveaux secteurs

Taylorisme :

Double division du travail

Travail prescrit

→ N'est pas/plus limité à l'industrie

1. Maintien du taylorisme et extension à de nouveaux secteurs

Exemple des travaux de David Gaborieau & de Worklog sur les ouvriers de la logistique

700 000 - 800 000 ouvriers de la logistique en France

: 13% des ouvriers

→ Prolétarisation du secteur tertiaire

→ Invisibilisation du travail ouvrier par éloignement physique et discours sur la robotisation

"A l'heure actuelle, ce sont bien des corps ouvriers et non des machines qui déplacent nos colis et rien ne laisse à penser qu'ils seront remplacés prochainement" (D. Gaborieau, Sarah Lefèvre)

1. Maintien du taylorisme et extension à de nouveaux secteurs

→ Véritables "usines à colis"

→ Contre la vision d'une "économie numérique" : Amazon & Co, ce n'est pas que de l'algorithme...

→ Véritable "taylorisme assisté par ordinateur"

Le préparateur de commande reçoit les informations d’une voix numérique dans son casque qui lui dit point par point ce qu’il doit faire. C’est du taylorisme version numérique ! Il évolue dans une bulle au sein de son lieu de travail et n’a plus besoin de poser de question ou de discuter avec un collègue, encore moins de travailler en équipe. Dès qu’il prononce un mot, comme un « bonjour », la machine l’entend et rétorque : « Répétez, ce mot n’est pas compris »…

1. Maintien du taylorisme et extension à de nouveaux secteurs

→ Exemple de la commande vocale

Vidéo : https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/video-cash-investigation-travail-vis-ma-vie-de-manutentionnaire-chez-lidl_2381539.html

→ Sentiment pour les ouvriers d'être des "robots"

→ Déqualification de fait : "Le préparateur devient un ouvrier spécialisé, ce qu’il n’était pas quand il n’avait pas de casque sur les oreilles".

1. Maintien du taylorisme et extension à de nouveaux secteurs

→ "Le monde ouvrier est loin d'avoir disparu" (D. Gaborieau, Sciences Humaines, 2021)

→ Place centrale de la logistique et de ses ouvriers dans les processus de production contemporains : mondilisation, externalisation des entreprises, sous-traitance, mise en concurrence, etc.

« Second effet de l’informatisation : L’automatisation du fonctionnement à l’intérieur de l’entrepôt et la disparition de tout un ensemble de tâches administratives, de contrôle de qualité. Il y a donc de plus en plus d’ouvriers dans l’entrepôt et moins de professions d’encadrement ».

Polarisation

Caractère essentiel du travail ouvrier

2. Un post-taylorisme à questionner

Débats longtemps dominés par la question : "Le post-taylorisme est-il vraiment nouveau ou n'est-ce que le taylorisme sous de nouveaux oripeaux ?

"Post ou néo-taylorisme ?"

Toyotisme, lean management, etc.

→ des moyens de réponde à la "critique artiste" du capitalisme

(Autonomie, polyvalence, juste-à-temps, etc.)

2. Un post-taylorisme à questionner

Changements effectifs des modes de management :

→ Acteur assigné

Agent

→ Sujet autorégulé

Mais...

→ Maintien d'une division verticale du travail

→ Sentiment de "taylorisation" du travail... lors de l'application du lean managemlent (notamment : hôpital...)

2. Un post-taylorisme à questionner

Illustration des ambiguités du post-taylorisme : les livreurs à vélo

→ Autonomie, liberté de s'organiser comme on l'entend, etc.

→ Mais aussi : salariat déguisé, travail contraint, évaluation permanente...

→ Mécanisme d'engagement dans l'activité via la gamification...

B) Une polarisation du travail ?

Polarisation du travail : amélioration et dégradation des conditions de travail, de l'expérience de travail

Exemple:

Moins une disparisation des emplois qu'une dégradation conditions de travail des caissières

Effets positifs: polyvalence, reconnaissance professionnelle...

Effets négatifs : disparition de l'aspect "commercial", "relation clientèle"...

Numérique, digital labor, polarisation

Digital labor, "travail du clic"

Taylorisation extrême

+ retour au travail à la journée...

Le numérique n'est pas synonyme d'amélioration du travail pour tous...

Numérique, digital labor, polarisation

Effet inégalitaire et polarisant du numérique

La souffrance au travail

Longtemps centrée sur la souffrance physique...

...mais étendue à la souffrance psychologique

→ Différence entre le travail prescrit et le travail effectif comme source de souffrance

Voir aussi : question du suicide au travail (France Telecom)

Ainsi que l'aspect genrée : harcèlement, harcèlement sexuel...

Deux évolutions notables

1) Du "port de charge lourde" aux "troubles musculosquelettiques et maladies du geste"

→ Il faut mesurer différemment la souffrance au travail

→ Question du travail émotionnel (Arlie Hochschild)

2) Les difficultés ne touchent pas que les classes populaires

→ Burn out, souffrances psychologiques, horaires atypiques, etc. se retrouvent aussi chez les cadres

→ Développement notamment de la charge mentale avec les nouvelles technologies

C) Des frontières de plus en plus floues

Du halo du chômage...

...au halo du travail ?

Travail

Travail domestique

Bénévolat

Loisirs

L'extension du travail gratuit

Une problématique ancienne, traitée par les féministes notamment...

...mais renouvelée par les nouvelles technologiques

→ Traces numériques : loisir... ou travail ?

→ Marchandisation des activités de loisirs (Etsy, Instragram...) : loisir, travail domestique... ou travail ?

→ Bénévolat, action citoyenne, humanitaire, workfare... Où commence le travail ?

→ Gamification du travail, esprit start-up, fab labs, hacker house...

Contamination des autres activités par le travail

→ qui constitue un mode d'obtention du travail (nouvel esprit du capitalisme)

...y compris chez les cadres...

→ En paralèlle des débats sur la "fin du travail"....

A) Précarisation et précariat

Une précarité structurelle...

Des nuances importantes...

→ Rapportée à l'emploi, la précarité mesurée par le type de contrat demeure minoritaire : 15% environ de l'emploi total

→ Minoritaire en stock, mais pas en flux : 87% des emplois créées en 2017 étaient des CDD

→ Effet de dualisation/segmentation du marché du travail, une des premières formes de polarisation (Piore, Doeringer)

Précarité ou précariat ?

Expression de Robert Castel, mais aussi Guy Standing ou Mike Savage...

Précarité + prolétariat = précariat

Position en deça des protections offertes par le statut salarial et qui ne permet pas de réaliser l'indépendance économique et sociale des travailleurs

Mais ne se limite pas à la question du statut d'emploi : il faut aussi tenir compte... du travail

D'où l'importance des descripteurs de la qualité de l'emploi

B) Une polarisation des emplois ?

Programme : "Comprendre comment le numérique brouille les frontières du travail (télétravail, travail/hors travail), transforme les relations d'emploi et accroît les risques de polarisation des emplois

Débats sur la polarisation :

→ A-t-elle lieu ? En France ?

Idée d'une disparition des emplois de classes moyennes au profit des emplois peu qualifiés d'une part et très qualifés d'autre part

→ Pourquoi a-t-elle lieu ?

Mesurer la polarisation...

→ Par les catégories socioprofessionnelles

Mesurer la polarisation...

→ Par la qualification/le contenu des tâches

Mesurer la polarisation...

→ Par les salaires

Expliquer la polarisation

→ La mondialisation (Reich, Krugman...)

→ Le progrès technique biaisé

→ L'effet de la crise de 2008 : accélération selon Reshell & Toubal

Risque de polarisation accrue

"À l’avenir, de nouveaux progrès en intelligence artificielle (IA) et en robotique, ainsi que la montée rapide des pays émergents, devraient probablement accroître la pression sur les travailleurs jusqu’à présent les moins concernés par ces changements : ceux dont les qualifications sont les plus hautes et les plus basses" (p. 80).

Une spécificité française...

Moindre progression de l'emploi peu qualifié : plutôt un biais en faveur de la qualification, sans déversement vers les emplois de service peu rémunérés (France Stratégie 2020)

Une spécificité française...

Moindre progression de l'emploi peu qualifié : plutôt un biais en faveur de la qualification, sans déversement vers les emplois de service peu rémunérés (France Stratégie 2020)

→ Un effet des classements statistiques ?

→ ...qui dérive de la difficulté de mesurer les qualifications ?

La sociologie du travail montre souvent que les emplois non-qualifiés demandent bien des compétences, des compétences, des savoir-faire...

Les enjeux de la qualification...

→ Produit d'une activité particulière : la qualification comme processus, dont la qualité est le résultat

→ Objet de l'économie de la qualité

Par ex :

→ Qualification des hommes vs. qualités "naturelles" des femmes (travail de care notamment)

→ Entreprise de "déqualification" des travailleurs immigrés aux USA

→ Constitution de marchés professionnels (Abbott ; Marsden)

C) Quelle intégration ?

Paradoxe : le valeur est toujours une valeur forte...

...et pourtant il semble peiner à jouer son rôle de grand intégrateur

Le problème réside peut-être moins dans le travail lui-même que dans l'emploi

La condition salariale

→ Une forme de "propriété collective"

→ Notamment sécurité sociale, "une propriété pour les non-propriétaires"

L'effritement de la condition salariale est donc ce qui fait aujourd'hui obstacle à l'intégration

Un phénomène qui ne touche pas seulement les précaires

→ L'existence de la précarité touche l'ensemble des salariés

→ Effet de "la polarisation de la qualité des emplois"

→ Vers une fin du travail ?