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LINGUISTIQUE
Dans ce chapitre, BAYLON s’interroge tout d’abord sur ce que l’on entend exactement par une langue.
Selon BAYLON, « une langue est un instrument de communication, c’est-à-dire un système de règles et/ou de signes et un instrument d’interaction sociale ».
Dans l’interaction sociale, l’utilisation de la langue peut impliquer parfois un interlocuteur de statut différent, ce qui lui impose une connaissance de la langue.
D’abord, connaitre une langue, veut dire produire et comprendre, il faut connaitre :
• Un ensemble de règles grammaticales qui permettent de construire des phrases correctes.
• Un ensemble de règles psychologiques, culturelles et sociales pour régler le fonctionnement normal des échanges verbaux dans un cadre social.
Christian BAYLON voit que « Tant qu’un apprenant ne sait pas comment utiliser les ressources d’une grammaire pour énoncer des messages doués de sens dans des situations de la vie réelle, on ne peut pas dire qu’il connait une langue ».
En gros, il faut apprendre les règles du système linguistique formel et les règles d’emploi de la langue. Sans oublier bien sûr qu’il doit savoir quelle variété de langue il va utiliser dans une situation particulière et comment varier son style selon la personne à laquelle il s’adresse.
Il existe plusieurs parlers différents que des langues, et même plusieurs individus qui l’utilisent ; chaque individu a une façon de parler propre à lui, il s’agit d’un idiolecte (emploi ou usage particulier d'une langue qu'a une personne).
Par exemple, un individu peut employer le dialecte régional à l’intérieur d’une nation où domine un autre parler, il peut utiliser le dialecte social (système de signes et de règles syntaxiques utilisées dans un groupe social donné), ou employer la langue nationale (langue officielle à l’intérieur d’un état), il peut même apporter des modifications au lexique et à la prononciation de la langue pour parler un jargon (Façon de s'exprimer propre à un groupe, une profession, une activité, difficilement compréhensible.
Le jargon du sport, par exemple :
« C’est le renard des surfaces. » -----» Un renard des surfaces est un joueur qui arrive à bien se placer et à se faire oublier de ses adversaires pour se faufiler et marquer),
ou un argot (« Un argot est l'ensemble oral des mots non techniques qui plaisent à un groupe social» (définition du Dictionnaire historique des argots français de 1965).
BAYLON passe après à l’hétérogénéité sociale, « L’homogénéité d’une société n’est en fait qu’un mythe », ainsi considère BAYLON l’homogénéité des sociétés puisque leurs éléments constitutifs ne sont pas de la même nature.
On prend l’exemple de la société marocaine, c’est vrai qu’elle a des valeurs, des caractéristiques et des croyances qui lui permettent de se définir et de se distinguer des autres sociétés, mais bien sûr, tous les marocains ne sont pas identiques.
L’hétérogénéité sociale va en parallèle avec l’hétérogénéité linguistique, beaucoup de pays possèdent des codes verbaux ou des variétés de langue, chacun de ces derniers remplit une fonction sociale différente, qui est l’objet des attitudes individuelles ou collectives.
On arrive donc à déduire qu’on ne peut pas dissocier la langue du contexte social dans lequel elle fonctionne, les diverses variétés de langue peuvent être définies selon les fonctions qu’elles remplissent dans une société particulière, la façon dont elles se développent historiquement et les attitudes des locuteurs à leur égard.
CHAPITRE 9
CLASSE SOCIALE
La notion de classe sociale a marqué le champ de la sociolinguistique, puisque cette dernière étudie en parallèle les diversités linguistiques et les diversités non linguistiques (économie et culture).
La sociolinguistique pose la question suivante : comment et pourquoi les classes sociales diffèrent-elles dans leur usage de la langue ? , mais pour répondre sur cette problématique, il faut affronter quatre problèmes importants qui sous-tendent tout travail sur la relation entre langage et classe sociale :
*La définition même de classe
*La description et l’usage de la langue
*L’explication du changement linguistique
*La construction d’une théorie linguistique
BAYLON propose deux théories ou approches différentes de l’analyse des classes sociales ; les conceptions réalistes pour lesquelles les classes sociales existent en soi, et les conceptions nominalistes pour lesquelles elles ne résultent que d’une construction intellectuelle, le représentant du premier groupe est KARL MARX, et MAX WEBER le principal représentant de l’approche nominaliste.
Pour Karl Marx, les classes sociales sont déterminées en fonction des rapports de production. Dans la société capitaliste, les rapports de production sont définis par la propriété des moyens de production. Ainsi, on distingue la classe des capitalistes (ou bourgeoisie) de la classe ouvrière, la première est propriétaire des moyens de production, alors que la seconde ne possède que sa seule force de travail qu’elle vend à la bourgeoisie, cette domination et exploitation se manifeste même dans la langue, et la norme linguistique, ou la langue légitime, ne serait rien d’autre que le dialecte social des classes dominantes.
Pour Max Weber, les classes sociales ne sont qu’une des dimensions de la stratification sociale. Elles regroupent des individus qui connaissent la même situation économique, c’est-à-dire ayant des chances identiques de se procurer des biens (classes de possession) et ayant les mêmes intérêts économiques (classes de production). Cependant, contrairement à Marx, les classes sociales, pour Weber, ne constituent pas de véritables communautés. Les individus appartenant à une même classe sociale n’ont pas conscience d’appartenir à cette classe. Pour Weber, les classes sociales constituent la première dimension de la stratification sociale. Les deux autres dimensions sont le groupe de statut, qui concerne l’honneur social ou le prestige , et le parti, qui renvoie à l’accès au pouvoir politique.
Bref, K. Marx a vu la société comme étant structurée fondamentalement sur la base du travail et des activités économiques. M. Weber a insisté sur le caractère multidimensionnel de la stratification sociale, ne faisant de l’aspect économique qu’un des éléments de cette stratification.
La stratification sociale :
Au sens large, elle désigne le fait que toute société se construit en produisant un système de différenciation et d’ hiérarchisation des positions sociales. La structure sociale repose ainsi sur des groupes sociaux qui se définissent par l'inégal accès aux ressources d'une société de castes (dont la distinction sociale repose sur la pureté religieuse), d'ordres, de classes sociales etc.
Le sociolinguiste s’intéresse aux inégalités sociales qui se reflètent dans l’emploi de la langue, celles qui sont dues à des différences de prestige ou de statut, et celles qui sont dues à une distribution inégale du pouvoir.
CHAPITRE 10
CLASSES SOCIALES ET USAGES DE LA LANGUE
La variation de code est aussi liée à la notion de rôle et de groupe de référence, l’individu au cours d’une même journée peut remplir des rôles très divers, son rôle social correspond à ce qui est attendu de lui et qui l’exerce dans une société donnée, son répertoire verbale est le reflet de son répertoire de rôles.
Par exemple : un docteur parle à son patient sur le ton de la confidence avec un lexique simple, il parle au chef d’un service hospitalier, en utilisant un vocabulaire technique, chez lui, entre sa famille, il utilise des registres différents.
Dans ce même chapitre, BAYLON aborde la notion de la communauté linguistique :
« La description de l’emploi différentiel de la langue par des groupes sociaux différents, en particulier les classes, se fait dans le cadre d’une communauté linguistique. »
Les linguistes ont donné plusieurs définitions à ce concept, mais elle se recoupe sue deux caractéristiques définitoires principales : l’intensité de la communication et les normes partagées.
L’intensité de la communication : ça veut dire simplement que les membres d’une communauté linguistique se parlent plus les uns aux autres qu’ils ne le font avec les étrangers.
Les normes partagées : font référence à un ensemble commun de jugements évaluatifs, une connaissance à l’échelle de la communauté de ce qui est considéré comme bon ou mauvais et ce qui est approprié à tel type de situation socialement définie.
Basil Bernstein examine un type de rapport entre langue et société, à travers ses recherches sur l’échec scolaire. Selon lui les élèves issus de la classe ouvrière ou généralement des milieux populaires utilisent un langage public, pauvre et restreint, par exemple :
- Phrases courtes, grammaticalement simple, à syntaxe pauvre
-Usage simple et répétitif des conjonctions ou des locutions conjonctives (donc, alors, et, puis, etc.)
-Usage rigide et limité des adjectifs et des adverbes
En ce qui concerne les classes supérieurs, il s’agit d’un langage formel :
-Précision de l’organisation grammaticale et de la syntaxe
-Nuances logiques et insistance véhiculés par une construction de la phrase grammaticalement complexe, et spécialement par l’utilisation d’une série de conjonctions et de propositions subordonnées
-Choix rigoureux des adjectifs et des adverbes
CHAPITRE 13
CREATION-STRUCTURATION D'UNE LANGUE
I
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un Pidgin est une langue composite et véhiculaire, un amalgame d'éléments linguistics de deux ou plusieurs langues, née de besoins généralement limités entre au moins deux groupes parlons des langues différentes.
Nous entendons par pidginisation, l'ensemble des modifications que subit une langue du fait qu'elle est employée par des interlocuteurs qui l'utilisent, les uns et les autres, comme langue Seconde, dans des situations diverses.
selon Hymes, la pidginisation est un processus complexe qui consite en des changements sociolinguistiques entraînant une convergence dans le cadre d'une restriction de l'usage.
Au sens large, "créolisation" est parfois employé pour désigner le processus d'adaptation qui, s’exerçant sur une langue parlée hors de son domaine propre, aboutit à la formation d'une variété dialectale nouvelle. Dans une acception plus stricte, "créolisation" est l'exact antonyme de "pidginisation". Il fait référence à l'ensemble des modifications que subit un parler qui n'était pas la langue première d'une communauté et qui le devient.
Le propre d'un idiome est d'être utilisable dans toutes les circonstances de la vie en société. A cette extension et à cette diversification des emplois correspondra, selon toute probabilité, une différenciation des structures sémantiques qui se traduira par un enrichissement du vocabulaire et une plus grande complexité du système morphosyntaxique, La nécessité de rendre compte de connotations sociales variées rétablira la gamme des registres de langage avec leurs caractéristiques différentielles. Il est à prévoir aussi que dans nombre de circonstances, l'importance du message linguistique l'emportera de beaucoup, dans la transmission de l'information, sur les indices fournis par la situation : la redondance des procédés d'expression retrouvera là sa justification. En bref, le processus de créolisation restitue un parler qui, du fait de sa spécification, en était privé, les attributs d’un véhiculaire.
Il est vrai que l’expansion d’un pidgin et la créolisation peuvent être deux processus différents. Un pidgin peut se développer, devenir structurellement élaboré et ne pas se créoliser, aussi longtemps que son rôle social n’en fait qu’une simple langue de contact.
On peut résumer la vie d’un pidgin selon Baylon ainsi : jargon stable > pidgin stable > pidgin en expansion > créole.
BAYLON donne l’exemple du Tây bôi.
Hugo Schuchardt signalait l’existence du tây bôi (surnommé aujourd’hui comme le français vietnamien) dès 1888, le désignant du nom de jargon franco-annamite. Depuis 1860, ce sabir s’utilisait entre colonisateurs français et marins, domestiques ou marchands de ce que l’on appelait alors la Cochinchine (est une région historique au sud de l'actuel Viêt Nam).
La tây bôi semble être sorti des garnisons françaises elles-mêmes où il était utilisé entre gradés ou soldats français et auxiliaires recrutés sur place. Il a été d’un usage courant jusqu’en 1954 dans les services de l’armée française, et encore jusqu’en 1960, partout où il y avait une suffisante concentration de locuteurs français, en particulier à Hué et à Saigon. Mais le départ des français, remplacés bientôt par le personnel militaire américain, a amené la presque totale extinction du Tây bôi.
Le lexique du TAY Boi est essentiellement caractérisé par deux faits ; il est, à plus de 90%, composé d’unités empruntées au français, et en outre, il est très réduit.
Pour ce qui est de la grammaire, une remarque semble particulièrement significative : les maitres français simplifient délibérément les formes et la syntaxe et utilisent des brides de vietnamien en parlant à leurs domestiques.
Reinecke démontre que la grammaire du tây bôi est dépourvue de bon nombre des traits ou oppositions qui font la grammaire française ; noms sans article, genres non marqués, nombre indiqué par le contexte, adjectifs invariables, verbes eux aussi invariables, toutes les formes verbales étant ramenées à ce qui pourrait être l’infinitif de la première conjugaison (ainsi boire=bouver, cuire=cuiser, vouloir=vouler). Le temps et les aspects sont fournis par le contexte que constituent quelques rares adverbes ou expansions adverbiales, par exemple : jour avant = hier
C
CHAPITRE 15
Bilinguisme et diglossie
Le bilinguisme est l'une des principales conséquences du contact des langues. Il y a de nombreuses définitions, nous retenons les suivantes :
•"par bilinguisme ou plurilinguisme, il faut entendre le fait générale de toutes les situations qui entrainent un usage, généralement parlé et dans certains cas écrit, de deux ou plusieurs langues par un même individu ou un même groupe. "langue" est pris ici dans un sens trés général et peut correspondre à ce qu'on désigne communément comme un dialecte ou un patois." Tabouret-keller
•BLOOMFIELD : « la possession d'une compétence de locuteur natif dans deux langues ».
•MACKEY : « Nous définirons le bilinguisme comme l'usage alterné de deux ou plusieurs langues par le même individu ».
1. Bilinguisme individuel et bilinguisme social
Le bilinguisme social met l'accent sur les forces linguistiques qui existent dans une communauté ou dans un groupe ethnique. Dans le bilinguisme social, beaucoup de différences sociales dans les sociétés complexes sont liées à la langue. Le bilinguisme individuel est le produit d'un processus social et historique. Suivant MACKEY, le bilinguisme individuel peut être décrit selon les quatre caractéristiques suivantes :
•le degré : La connaissance que l'individu possède des deux langues qu'il emploie.
•La fonction : Le rôle que ces langues jouent dans la structure globale de son comportement ou les buts visés par l'usage de ces langues.
•L'alternance : Les conditions et la manière permettant le passage d'une langue à l'autre.
•L'interférence : La condition dans laquelle l'individu bilingue arrive à maintenir les deux langues séparées.
2. Bilinguisme équilibré et bilinguisme dominant
Sous la dimension de la compétence linguistique de deux langues, il faut distinguer le bilinguisme équilibré du bilinguisme dominant. On entend par le bilinguisme équilibré une compétence dans les deux langues. Dans le bilinguisme dominant, la compétence dans la langue maternelle est supérieure à celle dans l'autre langue.
3. Bilinguisme composé et bilinguisme coordonné
Selon HAMERS : « Le bilingue composé est celui qui possède deux étiquettes linguistiques pour une seule représentation cognitive, alors que chez le bilingue coordonné des équivalents de traduction correspondent à des unités cognitives légèrement différentes. ». Un enfant serait un bilingue composé s'il a appris les deux langues très jeune et dans le même contexte ; alors qu'il serait de type coordonné s'il a appris la deuxième langue dans un contexte différent de celui de l'apprentissage de la première langue.
4. Bilinguisme additif et bilinguisme soustractif
On peut parler de bilinguisme additif si les deux langues sont suffisamment valorisées. Dans ce cas, l'enfant est capable de développer une plus grande flexibilité cognitive par rapport à l'enfant monolingue qui n'a pas cette expérience. Au contraire, lorsque la langue maternelle est dévalorisée dans le milieu socioculturel de l'enfant, le développement cognitif de ce dernier risque d'être ralenti. Le bilinguisme dans ce sens est de type soustractif.
5. Bilingue biculturel, bilingue monoculturel
Selon HAMERS, on peut distinguer le bilingue biculturel, qui s'identifie simultanément à deux cultures, du bilingue monoculturel qui est bilingue tout en gardant sa culture seulement (L1). Un individu bilingue qui renonce à l'identité culturelle de son groupe pour adopter celle du groupe L2 est considéré comme un bilingue acculturé à L2
DIGLOSSIE & BILINGUISME
LE REJET DE LA NOTION DE DIGLOSSIE
-Martinet utilise plusieurs éléments pour remettre en cause la notion de diglossie. Selon cet auteur, FISHMAN et GUMPERZ adoptent la notion de diglossie pour des raisons sociologiques, pour marquer la distinction bilinguisme individuel versus bilinguisme social. La diglossie implique le bilinguisme communautaire.
Dans cette perspective on ne voit pas ce que la distinction bilinguisme, diglossie apporterait de nouveau par rapport au bilinguisme individuel et bilinguisme social. Martinet rappelle que la hiérarchie entre les langues n’est pas absolue, il n’est pas toujours possible dans toutes les situations linguistiques de déterminer la hiérarchie. Exemple, le Canada. L’anglais est réservé au domaine économique et technique, le français est réservé au domaine culturel. Ces deux langues sont des langues de prestige bien qu’elles ne soient pas sur un pied d’égalité. Martinet conclue : j’écarte ce terme de diglossie tout simplement parce qu’il suppose qu’il y a deux sortes de bilinguisme :
•Le bilinguisme individuel entre langue de prestige identique
•Le bilinguisme communautaire dans lequel il y a nécessairement une hiérarchie de prestige entre plusieurs langues.